Làng Tôi (Mon Village) – Le premier cirque vietnamien de bambous
L’avis développé dans l’article ci-dessous ne concerne que son auteur et ne saurait valoir d’opinion universelle sur le sujet.
La découverte d’une œuvre transcendant le passé et le présent
Il y a une chose qu’on ne peut pas enlever aux producteurs de Làng Tôi (Mon Village), c’est celle d’avoir mis en œuvre une excellente campagne de communication.
Alors que je visitais pour la énième fois le Musée d’ethnographie de Hanoï, je tombai par hasard sur une publicité du spectacle et fus surpris par la qualité des photographies utilisées pour sa promotion. Pour le moment cependant, ce n’était pas de nature à me convaincre à réserver un ticket : je ne suis pas vraiment du genre à me soumettre au diktat marchand, fut-il soutenu par des efforts de propagande sans commune mesure.
Et puis, sur un bus d’abord, sur les murs de l’Opéra de Hanoï ensuite, les grandes affiches du spectacle me rappelèrent son existence et jouèrent de leur influence subtile sur mon esprit aguerri. Un lent travail de sape, donc, des défenses que mon mental s’était pourtant évertué à bâtir pour le protéger contre les effets néfastes de publicités omniprésentes.
Le jour où les digues s’effondrèrent, ce fut lorsque mon chef Man Le fit l’acquisition de plusieurs tickets afin que nous allions assister au spectacle et nous mettre ainsi à jour de l’agenda culturel vietnamien. Si nous étions admiratifs du Théâtre des marionnettes sur l’eau, évènement indispensable à toute visite culturelle de Hanoï et plus particulièrement du Vieux Quartier de la capitale millénaire, Man et moi ressentions le besoin de faire découvrir quelque chose de différent aux voyageurs qui décidaient de nous faire confiance.
Le spectacle en lui-même
Deux théâtres accueillent le spectacle de Mon Village – le Vietnam Tuong Theater et le célèbre Opéra de Hanoï. La mise en scène est différente selon le lieu où elle se déroule :
- au premier, le public est aspiré par la scène et participe presque au spectacle, parce que la frontière qui distingue les spectateurs des acteurs a été effacée ;
- au second, le caractère grandiose de cet édifice inspiré de l’Opéra Garnier de Paris, donne une dimension quasi-cinématographique à la scène et au jeu subtil des acteurs.
C’est ce dernier qui nous accueillit pour cette énième représentation du show vietnamien.
De la musique au jeu des acteurs en passant par le décor, l’école minimaliste triomphe. La technique que popularisa le peintre italien Le Caravage aux XVIè et XVIIè siècles est ici utilisée avec maestria : on assiste à une lutte éperdue entre le JAUNE, de quelque variation qu’il soit, qu’on retrouve sur les grandes tiges de bambou, les chapeaux coniques, les paniers, la paille, le riz, les balanciers et jusque sur la peau naturellement dorée des protagonistes, et le NOIR, dans une obscurité utilisée à escient pour insister sur la luminosité des personnages et la saine simplicité de leurs cœurs. Ambiance visuelle sépia, défilé de photographies en mouvement, clair-obscur triomphant.
La musique, qui fait appel à des instruments traditionnels (plus d’une vingtaine), joue des airs très répétitifs, agréables, hypnotisant. Je ne sais pas pourquoi, le tout m’évoque, la violence en moins, le film japonais Sonatine[1] de Takeshi Kitano mis en musique par le talentueux Joe Hisaishi (1993). J’apprendrai plus tard sans surprise que certains des concepteurs du spectacle ont étudié au Japon, à Hong-Kong ou encore en Corée, trois cultures connues pour leur amour de l’épure.
Il serait vain d’essayer de retracer linéairement l’histoire de Mon Village. Nous suivons tout simplement, sur le temps d’une journée qui débute aux aurores et se termine au crépuscule, la vie rurale que mènent les habitants d’un village traditionnel vietnamien.
En revanche, les grands thèmes qui font la richesse des traditions écrites et orales du « pays en forme de dragon » défilent les uns après les autres : l’amour, l’amitié, les querelles aussi, à travers des scènes tantôt amusantes, tantôt grandioses, toujours esthétiques.
Acrobatie, danses, chants traditionnels, équilibrisme, jonglage, théâtre sans dialogues : les corps parlent d’eux-mêmes, et si les personnages tiennent absolument à s’exprimer avec leurs cordes vocales, ils le font principalement par la chanson.
Comme je l’écrivais dans le livre d’or que Luneproduction laissait à disposition des spectateurs à la fin de la représentation de Mon Village, ici point de tricherie, point de cinéma : une erreur peut être fatale, et c’est même ce danger latent de l’exercice qui confère au spectacle son harmonie et sa beauté.
Difficile de ne pas être admiratif face à ce « retour aux sources » réalisé avec brio par la vingtaine d’acteurs présents sur scène : efforts physiques conduits par des corps sculpturaux, exacerbation d’une ruralité épargnée par la pieuvre de l’urbanisation, omniprésence du bois qui marque durablement l’empreinte des hommes sur le territoire qu’ils occupent.
Le temps d’une heure, nous prenons congé de l’univers grisâtre qui est le nôtre, pollué, fait de béton et de verre, pour effectuer un voyage dans le passé – ou, plus encore, un voyage dans une sorte d’éternité vietnamienne.
Nous partons à la rencontre de ce qui fonde la « vietnamité » ; une tradition culturelle qui, nous l’espérons, ne disparaîtra jamais.
Crédits images : © Luneproduction
[1] Film qui retrace l’histoire de yakuzas (mafieux japonais) partis se réfugier sur l’île d’Okinawa.
Infos pratiques
Site internet :
Durée :
- 60 minutes.
Lieu (Hanoï) :
- Opéra de Hanoi : 1, rue Trang Tien, district de Hoan Kiem, Hanoi.
- Vietnam Tuong Theater : 51, rue Duong Thanh, district de Hoan Kiem, Hanoi.
Metteur en scène :
- Tuan LE
Directeur musical :
- NGUYEN Nhat Ly
Concepteur :
- NGUYEN Lan Maurice
Chorégraphe :
- NGUYEN Tan Loc
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