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L’alcool vietnamien, une vieille tradition nationale

Le 1er janvier 2020, le décret gouvernemental 100/2019/ND-CP sur l’alcoolémie au volant est entré en vigueur. Dorénavant, les cyclistes, les conducteurs de moto et les automobilistes seront susceptibles d’être condamnés à une amende allant respectivement de 400 000-600 000 VND pour les premiers, 6-8 millions VND pour les deuxièmes et jusqu’à 30-40 millions VND pour les derniers[1]. Tout le monde en parle dans le pays ! C’est l’occasion pour nous de revenir ici sur la tradition de l’alcool vietnamien, sur sa production et les implications sociales et culturelles, voire spirituelles, qui caractérisent sa consommation.

 

« L’alcool vietnamien est distillé en général à partir du riz, de préférence du riz gluant. Le riz cuit à la vapeur (xôi) est refroidi et saupoudré de ferment (men) avant d’être distillé. Le plus fort est l’alcool mousseux (ruou tam), à 40 degrés. […] Le ruou (alcool), dégusté lentement dans des tasses minuscules, fait partie des plaisirs nobles du lettré au même titre que la musique, les échecs, la poésie et la musique. »[2] nous explique l’érudit Huu Ngoc.

Aujourd’hui, les nombreux bia hoi (brasseries) qui parsèment les rues et les avenues ont remplacé, principalement en ville du moins, la consommation de l’alcool de riz par celle de la bière. Celui-là reste néanmoins préféré lors des fêtes, des repas familiaux ou encore à la campagne où sa production est facilitée. Tout le monde ou presque possède dans sa maison des jarres entière d’alcool.

« Si on le mélange avec des sirops de fruit (abricot, prune…), on obtient des liqueurs. »[3] : ainsi le Táo mèo, parfumé à la pomme, commercialisé dans la plupart des restaurants au Vietnam.

 

  • L’alcool, à l’origine rituel et sacré

L’érudit Huu Ngoc nous explique que l’alcool vietnamien est « considéré comme un élixir que les immortels (tiên) portent dans des gourdes. L’alcool est une offrande qu’on dépose respectueusement sur l’autel des ancêtres ou des génies à l’occasion des cérémonies solennelles. »[4]

En effet, jadis l’alcool était une boisson réservée à une certaine élite, parce qu’elle entraînait un changement d’état, d’être ; longtemps et ce dans de nombreuses civilisations, l’alcool fut considéré comme une boisson sacrée, une boisson des dieux (comme l’ambroisie des dieux de l’Olympe), une offrande particulière.

L’aspect ésotérique, qui dépasse là le stade rituel susmentionné, est rappelé dans l’article suivant : « L’absorption de vin appartient […] pleinement à l’ésotérisme et il est réservé aux seuls initiés. […] Il résulte de là que l’emploi du vin dans un rite confère à celui-ci un caractère nettement initiatique. […] Le vin est une figure du Soma vêdique, le « breuvage d’immortalité » (l’Amrita) qui confère ou restitue le « sens de l’éternité » à ceux qui le reçoivent avec les dispositions requises et sous une forme rituelle qui en opère la « transsubstantiation. » »[5]

Le Vietnam traditionnel n’échappe donc pas à la règle ; le culte des ancêtres [mettre lien vers l’article], qui transcende l’ensemble des religions particulières auxquelles se consacrent les citoyens vietnamiens (bouddhisme, christianisme, caodaïsme, etc.), nécessite effectivement des offrandes rituelles et l’alcool n’en est pas une des plus petites. Il est courant à ce titre de voir une permanence de cette pratique aujourd’hui, bien que le sens ait probablement été perdu pour beaucoup, dans les bouteilles de vins et celles de whiskys occidentaux qui viennent décorer l’autel.

 

  • L’alcool de riz vietnamien, au cœur de la sociabilité vietnamienne

L’alcool a longtemps été réservé aux hommes pour des raisons aussi bien spirituelles que sociales. Huu Ngoc l’explique en ces termes : « Dans le Vietnam traditionnel, la femme ne boit pas l’alcool, qui est en revanche un attribut de la virilité. »[6] Sur le plan spirituel en effet, il fut admis que l’alcool pouvait libérer certaines forces particulières que les hommes du commun ne pouvaient pas maîtriser, et dont les femmes étaient, semble-t-il, plus susceptibles de subir le joug.  De là découle une certaine morale que le confucianisme a inscrit dans le temps : la femme ne peut pas boire, car ce n’est pas convenable.

De nos jours cependant, notamment au Sud, il est courant de voir trinquer les femmes de la même manière que les hommes.

 

De fait, de nombreuses propriétés sont prêtées à l’alcool vietnamien : « Si on fait macérer dans l’alcool des médicaments traditionnels, on obtient un tonifiant ; avec des serpents, des geckos, il peut en outre guérir le rhumatisme ou l’arthrose. »[7] L’alcool de riz au ginseng, par exemple, mais aussi celui dans lequel macère un os de cheval, est censé conférer au buveur masculin un regain de vigueur sexuelle.

 

Sous l’angle social, du fait que le Vietnamien est, parmi les hommes, un « animal [particulièrement] social » (Aristote), l’alcool vietnamien se consomme très rarement seul ; il est un lubrifiant social, il participe à lier les hommes entre eux, avec en vue bien évidemment le respect des hiérarchies. Ainsi, lorsque vous trinquerez avec votre aîné, vous frapperez votre verre à la base du sien en tenant la manche du bras qui lève le verre pour signaler ici votre respect. Vous l’inviterez même à boire, ou serez invité, et direz ou entendrez dire à ce titre une petite phrase de courtoisie. Lorsque l’on trinque, il est courant de s’échanger des vœux.

 

À la place de notre « chin chin » national, les Vietnamiens du Nord utiliseront souvent le tandem : một, hai, ba, dô ! (un, deux trois, santé !), complété par un deuxième salut : hai, ba, dô ! (deux, trois, santé !) et conclu par hai, ba uống ! (deux, trois, buvons !).

 

En conclusion : Que vous soyez consommateur ou non, prenez garde sur la route ; il n’est pas rare de voir certaines motos tituber dangereusement comme si c’étaient elles qui étaient inhibées. Les conducteurs en état d’ébriété peuvent s’avérer imprévisibles, et donc dangereux. L’alcool vietnamien, c’est toujours quitte ou double !

 

 

 

 

[1] https://vietnam-mag.com/nouvelle-loi-pour-une-tolerance-zero-a-lalcool-au-volant/

[2] Huu Ngoc, « Bière et alcool de riz » in À la découverte de la culture vietnamienne, Éditions The Gioi, 2006 : p.367.

[3] Idem

[4] Idem

[5] Lire note 32 in https://www.cahiersdelunite.com/notes-le-secret-des-5-makaras

[6] Huu Ngoc, Op.Cit.

[7] idem

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