Au sud-ouest de la capitale du Vietnam se trouve un ancien village de métier qui cultive le savoir-faire de la sculpture en bois.
L’érudit Huu Ngoc revient dans un article sur les origines lointaines de la sculpture vietnamienne : « [Elle] remonte à l’âge de bronze (au premier millénaire av.J.-C.) avec les gravures ornant les tambours de bronze. Les œuvres de bronze, de pierre et de bois qui peuplent nos pagodes et nos maisons communales témoignent de la finesse de l’artisan anonyme porté à l’expression symbolique et décorative. […] Le chef d’œuvre classique de la statuaire de bois laqué rouge et or est incontestablement la statue de la Bodhisattva Quan Âm « aux mille bras et yeux » de la pagode But Thap (XVIIe siècle) à Bac Ninh. »[1].
Plongez avec VACTOURS dans le monde féérique de la sculpture vietnamienne.
Le village, hier et aujourd’hui
Dans la commune de Thanh Thùy, au district de Thanh Oai, se tient le village de Dý Dụ, à proximité de la rivière Nhụê. Les premiers ateliers, visibles en bord de route, exposent leurs nombreuses statues plus ou moins achevées, de bouddhas, de génies, de monstres, d’animaux fantastiques issus des légendes vietnamiennes.
On pénètre dans le village proprement dit par la gauche, où le brouhaha des scies électriques et des couteaux à bois remplace celui des voitures et des camions qui passent.
Il est facile de s’y arrêter, pour interroger les artisans sur l’art de la sculpture vietnamienne.
Les spécialistes des villages de métier Sylvie Fanchette et Nicolas Stedman retracent un peu l’ancienne gloire du village de la sculpture vietnamienne, en expliquant pourquoi aujourd’hui il a en partie considérablement réduit son activité : « On dit à Dý Dụ qu’autrefois de nombreux artisans sont partis à Huế pour aller sculpter des bouddhas de pagode (sans doute à l’époque où le roi réquisitionnait d’office les artisans les plus talentueux pour ses propres besoins). Certains y sont restés et ont créé un autre village de sculpteurs, appelé Làng Túc (l’ancien nom de Dý Dụ). Aujourd’hui, il ne reste à Dý Dụ qu’une dizaine d’artisans-sculpteurs spécialisés dans les bouddhas, les statues de saints et les diverses gammes de statues (marionnettes sur l’eau, cochons et animaux mythiques – les 12 animaux du calendrier lunaire). Les autres ont abandonné ce métier pour s’adonner à la fabrication de nattes en perles de bois et les sièges de voiture en billes de bois (comme on en fait à Nhị Khê). »[2]
Un art au service du sacré
Comme nous avons pu l’expliquer dans un autre article [insérer le lien sur Quat Dong], tout art est à l’origine soumis aux exigences spirituelles, témoigne des hautes aspirations d’un peuple, se veut la manifestation de son respect (voire de son amour) pour ce qui a trait au Ciel. De fait, « traditionnellement, Dý Dụ est spécialisé dans les objets sculptés en bois, corne et ivoire pour les rituels religieux, notamment les bouddhas et les quatre animaux sacrés (le dragon, l’aigle, le lion et la tortue). […] Les artisans considéraient la sculpture de ces objets destinés à la vénération comme un grand honneur et une tâche sacrée. Ils se préparaient soigneusement dans l’ascèse, observant un régime strictement végétarien et formulant des prières à Bouddha pendant plusieurs jours avant le début du travail. Une fois les statues sculptées et laquées, des cérémonies étaient organisées afin d’inviter des dieux à y entrer et s’y incarner.»[3]
Différents types de bois sont utilisés en fonction des objets : on utilisera des bois précieux pour les objets rituels, des bois de moyenne voire basse qualité pour des objets du quotidien. Certaines statues de Bouddha sont particulièrement réputées par-delà les frontières, en Chine, à Taïwan et en Corée[4].
En conclusion :
Lorsque vous décidez de faire le tour des villages de métier traditionnels du Vietnam (broderie, soie, cuivre, céramique, etc.), ne manquez pas l’expérience d’une visite du village de Dý Dụ, spécialisé dans la sculpture vietnamienne : vous pourrez y capturer certaines images d’un passé aujourd’hui révolu, à travers les efforts que produisent les habitants du même village, souvent issus de mêmes parentés, et des motifs traditionnels qui les inspirent.
N’hésitez surtout pas à interroger les artisans sur leur savoir-faire, les commandes préférées, le type d’outils qu’ils utilisent. La plupart se feront une joie de répondre à vos interrogations.
[1] Huu Ngoc, « Chez un vétéran de la sculpture », À la découverte de la culture vietnamienne, Editions The Gioi, 2014 : p.1125.
[2] FANCHETTE, Sylvie ; STEDMAN, Nicholas. Itinéraire 5. Laque, sculpture sur bois et objets en corne (au sud de Hà Nội) In : À la découverte des villages de métier au Vietnam : Dix itinéraires autour de Hà Nội [en ligne]. Marseille : IRD Éditions, 2009 (généré le 11 mars 2020). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/irdeditions/6568>. ISBN : 9782709918497. DOI : https://doi.org/10.4000/books.irdeditions.6568.