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Journal de bord-Excursion à Mai Chau

JOURNAL DE VOYAGE :

MAI CHAÛ (PROVINCE DE HÒA BÌNH, VIÊT NAM) – DÉCEMBRE 2018.

 

Il existe, à seulement 140 kilomètres au sud-ouest de Hà Nội, dans la province de Hòa Bình, une localité très appréciée par l’ensemble des voyageurs ; roadtripeurs comme touristes, nationaux comme internationaux.

Le district de Mai Châu est composé de petits villages bruns ayant poussé comme champignons au milieu des rizières verdoyantes où s’attèlent à la tâche des silhouettes courbées portant chapeau conique. Les montagnes, de hauts pics vertigineux qu’on s’étonne quand on est français de trouver si proches de la capitale, prennent des allures maternelles lorsque le soleil dévoile leurs riches atours ; elles paraissent veiller sur les habitants avec la même ferveur qu’une mère pour son enfant. Mais si le tableau s’inverse et que l’orage se profile à l’horizon, que la grisaille empoisonne le ciel et annule toute couleur, ces charmantes hauteurs s’enveloppent alors d’écharpes de brume qui lui confèrent une dignité inaccessible et mystique, et plus encore inquiétante. Prennent alors vie ces représentations de montagnes que la peinture chinoise shanshui a popularisées dans toute l’Asie sinisée.

Un ami de l’ethnie hmong m’avait proposé de m’y rendre avec lui afin de profiter d’un moment de répit, loin des cacophonies urbaines et de l’étouffante pollution. Ayant pris de l’âge, il aimait moins l’aventure à deux roues, c’est pourquoi nous devions prendre le bus pour réaliser notre périple.

Samedi très tôt. Nous sommes partis depuis la gare routière de Mỹ Đình, quartier populaire encombré de véhicules et grouillant de vie situé à l’ouest de Hà Nội. Le véhicule comporte une vingtaine de places pour une trentaine de voyageurs. J’écrase de ma moitié droite une microscopique étudiante masquée, tandis que l’autre moitié empiète sur le territoire d’un quadragénaire qui n’a pas l’air plus gêné que ça. Inconfortablement assis, tantôt sur une fesse, tantôt sur l’autre, je n’ai pas de dossier pour reposer mon dos et crains véritablement le mal de transport, compte tenu de mes antécédents en la matière et des conditions de voyage particulièrement saugrenues. 80 000₫ (circa 3 euros), c’est peu cher et on comprend pourquoi ! Trois heures et demi à souffrir, malmené comme un bagage en soute par un conducteur furieux qui n’hésite pas à doubler en montagnes dans les croisements, sur une route insuffisamment lisse. Je tente de dormir, mais les multiples cahots m’en empêchent : conscience constante, insomnie.

Vers 11h30, nous descendons du convoi en ville, le laissant continuer jusqu’aux villages.

La ville s’organise essentiellement autour d’un axe routier principal où commerces et restaurants structurent l’agglomération. Les regards convergent vers nous : si les étrangers sont nombreux à visiter le district de Mai Châu, ils se limitent souvent aux alentours de leur maison d’hôtes et aux calmes charmes des rizières.

Nous traversons d’ailleurs celles-ci pour rejoindre le village : village « folklo » pour touristes, où des jeunes et moins jeunes femmes s’activent à leur métier à tisser et réalisent des écharpes de toutes les couleurs et avec tous les motifs possibles ; où des restaurants accueillent leur clientèle à grands renforts de bières et de grillades odorantes ; où la gent canine, qui le jour traîne ses pattes avec une négligence arrogante de matou, veille la nuit, docile et bien dressée, le museau en l’air ; où les maisons sur pilotis proposent leurs services à moult voyageurs conquis par l’authenticité.

Mon ami hmong connaît le propriétaire de l’une d’entre elles : c’est un complexe architectural simple et rassurant, en bois et en briques. La mère et l’épouse du propriétaire sont à la cuisine, en train de confectionner un repas traditionnel. Les deux enfants jouent dans la cour avec leurs lapins. Il fait chaud, l’été revient…

Les victuailles sont riches : poissons grillés, porc et liserons d’eau cuits à l’ail, épinards vietnamiens au gingembre, le tout arrosé d’alcool de riz dans lequel ont mariné des bananes sauvages à graines.

Après une sieste pour se remettre du trajet, nous sortons louer deux vélos pour nous promener autour du village. Les paysans travaillent, courbés, l’eau jusqu’aux genoux. Leurs vélos s’alignent le long des champs, tandis que des promeneurs les prennent en photos. Il n’y a pas trop de monde, le temps s’est légèrement rafraîchi : rupture idéale avec l’agitation de la métropole ! En ville, nous marquons l’arrêt à une bicoque tenue par une jolie trentenaire qui vend des nems frits et autres beignets de frites ou de banane verte. Petit interlude stomacal de bon augure, mettant nos papilles en éveil à l’approche du dîner.

Vers six heures, nous rentrons. Un groupe de motards vient d’arriver, qui doit passer la nuit chez l’habitant comme nous. Quelques débarbouillages rapides et nous nous asseyons pour nous remettre à manger : fondue vietnamienne (Lẩu) à base de liserons d’eau, de poisson, de bœuf finement tranché, de champignons blancs allongés, de patates et de carottes. L’alcool de riz cette fois est parfumé aux plantes aromatiques. Nous trinquons tous ensemble, échangeant plaisanteries et bons vœux.

Des bandes de moustiques viennent couvrir mes pieds, mes bras, mon cou et mes oreilles de baisers piquants dont je me serai bien passé.

Une bonne soirée au Viêt Nam ne peut se conclure sans karaoké. L’établissement, nous le devinons depuis le village malgré la nuit tombée : son enseigne électrique brille d’une lumière rouge tonique. Le ciel, noir d’encre, luit ici et là, plein d’étoiles, comme une géante araignée opaque aux mille yeux humectés. L’air est frais, les discussions calmes : quelques motos interrompent le silence d’église qui nous entoure. Leurs feux tranchent la nuit comme une lame affutée : la blessure, sitôt le véhicule disparu, se résorbe rapidement. L’obscurité est un corps qui s’auto-régénère.

Près de trois heures à chanter des « tubes » vietnamiens, anglais et français dans une pièce cloisonnée. La bière (et l’eau pour les plus sages) coule à flots ce soir, permettant l’inspiration à des chanteurs plutôt timides.

 

Finalement, vers 2 heures du matin, je décide de rentrer par le même chemin. L’air s’est rafraîchi, je compte profiter d’un sommeil réparateur. Dans les eaux, un pêcheur balance des hanches et des pieds de droite à gauche pour faire avancer sa barque. Par moments, il interrompt son manège et se met à frapper l’eau avec un bâton plat. Quel étrange spectacle !

Le lendemain, après une douche froide, je pars me balader en ville : les étals se ressemblent tous, la qualité diffère assez peu d’un à l’autre. La marchandise de vendeurs d’antiques, moins antiquaires que quincaillers d’ailleurs, tranche un peu du reste avec ses vieux paniers à sel, poisson et blé ; avec ses services à thé en bois usé et sa porcelaine centenaire ; avec ses senteurs de bois ancien et d’eau chaude.

Sorti du village, j’aperçois sur le bord de la route une vieille dame derrière son métier à tisser, solitaire. Le contexte est plaisant : personne à l’horizon, un étal à l’air libre, austère, égayé de couleurs pétillantes. Je m’arrête, discute en anglo-vietnamien avec l’aïeule dont je ne comprends pas grand-chose. Elle m’offre d’immenses et obscurs sourires, les dents laquées de noir et rougies par le bétel qu’elle mâche sans s’ennuyer. Accroupi comme un local, je lui en prends un peu, de cette préparation à base de feuilles de bétel et de noix d’arec. Après lui avoir certifié que c’était délicieux, et l’avoir saluée selon un protocole vietnamo-français des plus bizarres, je la quitte.

L’âcreté du bétel assèche ma bouche : je recrache la mixture, puis me passe une langue sur les lèvres pour me délivrer de son goût amer.

À midi, nous repartons en vélo pour la ville avec mon camarade afin de déjeuner : nous nous contentons d’un Cơm rang (riz frit aux légumes et à la viande).

Après avoir rendu les vélos, nous récupérons nos sacs et partons à la recherche du bus. Quittant le village et retournant en ville, nous y patientons bien cinq minutes (cinq minutes vietnamiennes équivalent à quinze minutes dans les faits) avant que le convoi nous récupère. Moins « blindé » que la veille, je me surprends pas à espérer avoir une vraie place : c’est sans compter l’ardeur du contrôleur à me placer au fond du véhicule pour écraser deux personnes à ma gauche et à ma droite (quatre places vietnamiennes équivalent à cinq normales, vingt-cinq à plus de trente-cinq). Pendant une heure, nous récupérerons à outrance des gens sur la route qui veulent rentrer à Hà Nội, tant et si bien que personne, jusqu’au conducteur et au contrôleur mêmes, ne seront épargnés de la pression humaine de voisins débordants. Je m’attends presque à voir le bus imploser, tant il est plein à ras bord de gens comprimés, entassés façon poulets en batterie.

Au bout de deux heures, arrêt toilettes/boissons pour ceux qui le souhaitent, puis c’est le retour à la promiscuité anti-érotique pour la dernière heure et demie. La clim permet d’éviter la surchauffe mais enroue la gorge.

À 17 heures, nous retrouvons enfin la ruche hanoïenne et ses millions d’abeilles. L’expérience est comique. Je croyais que j’allais tomber malade, mais finalement, l’on se trouve tellement concentré à ne pas broyer l’épaule ou la cuisse du voisin ou à ne pas se cogner la tête que la nausée est exclue du voyage et remplacée par un genre d’agacement rigolard dont on a pleinement conscience.

Je n’ai pas arrêté de sourire pendant les 7 heures d’aller et retour. Juré craché !

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Après, on n’est pas sur du 7 heures précises mais plutôt sur du grosso modo ! Il y a pu avoir quelques instants de faiblesse où, la grimace facile, j’avais la main crispée sur l’estomac pour d’autres raisons qu’un point de côté bienvenu !

 

© Benoît B. pour VACTOURS – agence de voyage

 

 

 

 

 

 

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