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Portrait d’un Vietnamien francophone de 91 ans

Aujourd’hui, j’ai rencontré M.Nguyễn Văn Tiêu, né en 1929 – 91 ans selon la comptabilité vietnamienne, qui compte le temps passé dans le ventre de la mère comme une année entière. Il m’a reçu chez lui, dans un appartement assez luxueux au 14ème étage d’un building tout neuf en plein milieu du quartier de Cầu Giấy, à l’est du centre-ville. Respectant le schéma de la famille traditionnelle vietnamienne, il vit, avec son épouse, en compagnie de son fils aîné et de sa famille.

 

M.Nguyễn lors de la cérémonie de longévité à l’occasion de ses 90 ans

 

Ayant suivi l’enseignement franco-indigène dans les années 30 et 40 à Vinh dans le Centre du pays alors sous domination française (primaire et secondaire),  Nguyễn Văn Tiêu me partage en riant à pleines dents : « J’ai appris le français il y a 80 ans, mais j’ai tout oublié ! ». Petit, frêle, le visage buriné par les années, le vénérable, dans sa tunique traditionnelle vietnamienne, possède un sourire lumineux qu’il fait rayonner à sa guise.

 

Peu de temps après la Révolution d’août 1945, il part étudier en Chine et y apprend d’ailleurs le mandarin, mais là encore, faisant preuve d’une sorte d’humilité blagueuse, le vieil homme me siffle, en me pointant une belle calligraphie qui orne le mur en face de nous : « J’ai tout oublié là aussi : les caractères, c’est tellement compliqué. » Il s’initie également dans ces eaux-là au russe, car l’U.R.S.S. à l’époque est un pays qui draine de nombreux étudiants issus des pays dits socialistes : il fait partie des derniers de cette génération polyglotte que l’Empire colonial puis le gouvernement révolutionnaire à sa suite ont formée ; cette génération d’une époque charnière qui a vu mourir un monde et éclore un autre.

 

Professeur de biologie à l’Université, Nguyễn Văn Tiêu est un spécialiste de la théorie de l’évolution, le darwinisme. Il part d’ailleurs enseigner dans les années 70 en Angola communiste où il restera trois ans ; à cette occasion, je crois presque inutile de vous dire qu’il s’est mis inévitablement au portugais puisque les cours qu’il donnait étaient destinés à un public lusophone. Invariable, le vieil homme rouspette joyeusement : « Bien plus compliqué que le français ! »

 

Alors que nous évoquons rapidement l’histoire mouvementée du pays, il me confie : « Je suis au Parti communiste depuis maintenant 70 ans. C’est le petit-frère de Nguyễn Thị Minh Khai [1910-1941 : révolutionnaire vietnamienne, épouse de Lê Hồng Phong, deuxième leader du PCV, et belle-sœur de Võ Nguyên Giáp, vainqueur de Điện Biên Phủ en 1954] qui fut mon « parrain ». Je me souviens qu’à l’époque, nous n’avions été que trois à être sélectionnés, et la cérémonie s’était déroulée en pleine nuit… ».

 

Converti au bouddhisme il y a 11 ans, Nguyễn Văn Tiêu mène une existence à la discipline chronométrée : il se lève tous les jours à 4 heures et demi du matin, médite trois heures par jour (deux le matin, une l’après-midi), tâche de suivre les préceptes du Bouddha en 1- n’ayant aucune ambition ; 2- ne se mettant pas en colère ; 3- ne cultivant pas l’ignorance. Ardent lecteur, le vieil homme tâche de compléter 90 pages par jour – des articles, bien souvent, qu’il tire plutôt du Thanh Nhiên (Jeunesse) que du Nhân Dân (Peuple).

 

« Le premier expose les problèmes du peuple au Parti, le second répand plutôt les préconisations du Parti au peuple. » m’explique-t-il, tout en m’invitant à goûter les pêches chinoises que lui fait parvenir sa petite-fille qui habite à Pékin, et cette infusion de plantes si particulière que son fils nous verse dans de belles tasses occidentales.

 

Adepte de l’internet, le professeur à la retraite maîtrise non seulement les emails – avec un ancien étudiant de dix ans son cadet, il collectionne des coupures de presse sur la politique – mais il manie sans difficultés la plateforme de partage de vidéos YouTube depuis sa tablette Ipad, sur laquelle il visionne de nombreux documentaires sur le bouddhisme et la santé en général.

 

Alimentation saine, exercices physiques matinaux quotidiens, méditation et lecture, Nguyễn Văn Tiêu entend neutraliser de manière naturelle les effets les plus courants de la vieillesse : perte de mémoire et douleurs, entre autres problèmes de toutes sortes. « J’ai 91 ans… et maintenant je n’ai pas peur de dire que je peux atteindre les 100 ans. »

 

Je l’en crois bien capable, c’est un homme discipliné – en plus d’être charmant. Ce pieux bouddhiste ne mène pas une lutte frontale contre l’âge mais plutôt danse avec lui ; s’adapte. L’on pourrait déclarer en définitive que c’est un vrai Vietnamien.

 

En me raccompagnant à la porte, Nguyễn Văn Tiêu me remercie chaleureusement en me serrant la main avec vigueur : « Cela faisait longtemps que je n’avais pas révisé mon français… avec un Français pur, en plus de cela ! J’espère vous revoir. » Et moi donc !

 

Article rédigé par Benoît BISSON.

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